LE SACRE : Actualité, Désacralisations, Actualisation

9 Mai 2020 | Actualités

Perspectives théoriques
Qu’est-ce que le sacré ? – Paul Verdier
Actualité du sacré -Georges Bertin
Permanence existentielle -Philippe Roy

Socialité du Sacré
L’ensauvagement du sacré – Denis Jeffrey
Le retour du dieu danseur -France Schott-Billmann
L’autre Mont Saint Michel -Grégory Moigne

Arts et littérature
La contemporanéité du sacré dans les arts -Raffaele Federici
La littérature populaire comme résistance à la désacralisation du monde -Lauric Guillaud
Déchristianisation et re-sacralisation du Graal au cinéma -Justine Breton

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Selon certains chercheurs, l’avènement de la modernité aurait signé un recul des formes symboliques et du sacré. Le « logos » aurait ainsi définitivement chassé le « mythos » de nos sociétés prétendues rationalistes et matérialistes, et nos existences seraient prises dans un inexorable mouvement de désacralisation. De fait, nombre de figures, d’objets, de pratiques et d’institutions que l’on considérait jadis avec un mélange de respect, de crainte et de fascination, sont aujourd’hui banalisés, voire parfois frappés du sceau de la dérision. Ainsi en est-il des figures politiques, qui après avoir été révérées en tant que manifestations sensibles d’un corps immortel – divin ou souverain – en la personne du roi (Marc Bloch, Les Rois Thaumaturges, Ernst Kantorowicz, Les Deux corps du roi…), puis après avoir bénéficié d’une certaine considération jusqu’à la fin du XXe siècle, se sont trouvées quotidiennement raillées par les comiques, ravalées au rang de marionnettes et ridiculisées, comme dans le Bebête Show et les Guignols de l’info. Dans une certaine mesure, la famille, le mariage, la religion ont également perdu une part de leur sacralité. A l’inverse, pour une tradition sociologique affirmée dont le Collège de Sociologie fut un précurseur dans les années 30, le sacré s’actualise de façon constante, il est matrice de communication entre les êtres et participe de la formation d’êtres nouveaux, manifeste, par exemple, dans les sacrifices, les fêtes, et maintenant dans les communications numériques, etc.

Ainsi, quand d’anciennes figures du sacré resurgissent sous une autre forme (la chevalerie en est un bon exemple), de nouvelles sacralités apparaissent. La nation, le progrès, la science, ont tour à tour été érigés en véritables mythes des temps modernes. Quant à cette ère, que d’aucuns qualifient de postmoderne, elle paraît bien drainer son lot d’icônes et de figures vénérables (Lady Di, certaines stars de la pop musique), et renouer plus profondément avec un religieux diffus, exprimant une quête de sens : Nouvel Âge, sectes millénaristes, mouvements ésotériques, spiritualités laïques en tous genres ne cessent de se développer et de dessiner les contours d’un sacré certes protéiforme, mais résolument prégnant en ce début du XXIe siècle. Car s’il participe de la refondation du lien social, il peut également être le lieu du retour des dieux les plus violents.

Entre l’expansion des figures du sacré à l’ère numérique et sa contraction en groupuscules ou communautés électives, ce numéro se propose d’étudier ce double processus de désacralisation et de re-sacralisation, d’en expliquer les causes, d’en souligner les ambiguïtés, d’en définir les modes d’expression diversifiés. Il s’interroge sur les raisons de cette profonde plasticité du sacré, de sa permanence derrière d’incessantes reconfigurations, et s’efforce de comprendre ce que traduisent ses mutations actuelles. Pour cela, une approche pluridisciplinaire a été privilégiée (mythologique, historique, sociologique, anthropologique, philosophique…), explorant des domaines aussi variés que la politique, les organisations religieuses ou parareligieuses, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (jeux vidéos et en ligne), les oeuvres artistiques et littéraires, les productions cinématographiques et télévisuelles… Elle a ainsi cherché à mettre en évidence « nombre des manifestations de l’existence sociale où se fait jour la présence active du sacré » (Collège de sociologie).

Georges Bertin
et Cécile Bryon-Portet