Appel de Strasbourg de 1961

Appel de Strasbourg de 1961

un appel pathétique toujours difficile à mettre en oeuvre !

“Les Puissances Maçonniques souveraines réunies à Strasbourg le 22 janvier 1961, et désignées ci-après :

  • Grand Orient d’Autriche
  • Grand Orient de Belgique
  • Deutsche Grosse Loge A.F.A.M.
  • Grand Orient Fédéral d’Espagne
  • Grande Loge Nationale Française (dite ” Opéra “)
  • Grand Orient de France
  • Grande Loge Nationale Italienne
  • Grand Orient du Liban
  • Grand Orient du Luxembourg
  • Grande Loge des Pays-Bas
  • Grand Orient de Suisse

considérant

1) qu’il est impérieux de rétablir entre tous les Francs-Maçons la Chaîne d’Union rompue par de regrettables exclusives contraires aux principes des Constitutions d’Anderson de 1723,

2) qu’il importe à cet effet de rechercher en commun, en tenant compte de toutes les traditions, de tous les rites, de tous les symboles, de toutes les croyances, et dans le respect de la liberté absolue de conscience, les conditions qui déterminent la qualité de Franc-Maçon,

estiment

que le fait de placer les travaux sous l’invocation du G:. A:. D:. L:. U:. et d’exiger qu’une des trois Lumières soit le Livre sacré d’une religion révélée doit être laissée à l’appréciation de chaque Loge et de chaque Obédience,

décident

d’établir entre elles des relations fraternelles et d’ouvrir les portes de leurs Temples, sans condition de réciprocité, à tout Franc-Maçon ayant reçu la Lumière dans une Loge Juste & Parfaite,

font appel

à tous les Francs-Maçons pour qu’ils se joignent à cette Chaîne d’Union fondée sur une totale liberté de conscience et une parfaite tolérance mutuelle.”

Convent de Wilhemsbad en 1782 (extraits)

Convent de Wilhemsbad en 1782 (extraits)

Aime ton prochain autant que toi-même et ne lui fais jamais ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît. Sers-toi du don sublime de la parole, signe extérieur de ta domination sur la Nature, pour aller au-devant des besoins d’autrui et pour exciter dans tous les cœurs le feu sacré de la vertu. Sois affable et officieux, édifie par ton exemple; partage la félicité d’autrui sans jalousie. Ne permets jamais à l’envie de s’élever un instant dans ton sein, elle troublerait la source pure de ton bonheur, et ton âme serait en proie à la plus triste des furies.

Pardonne à ton ennemi; ne t’en venge que par des bienfaits. Rappelle-toi toujours que c’est là le triomphe le plus beau que la raison puisse obtenir sur l’instinct, et que le Maçon oublie les injures, mais jamais les bienfaits.

En te dévouant ainsi au bien d’autrui, n’oublie point ta propre perfection. Descends souvent dans ton cœur, pour en sonder les replis les plus cachés. La connaissance de soi-même est le grand pivot des préceptes maçonniques.

Etudie enfin le sens des symboles et des emblèmes que l’Ordre te présente. La nature même voile la plupart de ses secrets; elle veut être observée, comparée et surprise souvent dans ses effets. De toutes les sciences dont le vaste champ présente les résultats les plus heureux à l’industrie de l’homme et à l’avantage de la société, celle qui t’enseignera les rapports entre Dieu, l’univers et toi, comblera tes désirs et t’apprendra à mieux remplir tes devoirs.

Dans la foule immense des êtres dont cet univers est peuplé, tu as choisi, par un vœu libre, les Maçons pour tes frères. N’oublie donc jamais que tout Maçon, de quelque religion, pays ou condition qu’il soit, en te présentant sa main droite, symbole de la franchise fraternelle, a des droits sacrés sur ton assistance et sur ton amitié. Fidèle au vœu de la nature, qui fut l’égalité, le Maçon rétablit dans ses temples les droits originaires de la famille humaine; il ne sacrifie jamais aux préjugés populaires, et le niveau sacré assimile ici tous les Etats. Garde-toi d’établir parmi nous des distinctions factices, que nous désavouons: laisse tes dignités et tes décorations profanes à la porte, et n’entre qu’avec l’escorte de tes vertus. Quel que soit ton rang dans le monde, cède le pas dans nos Loges au plus vertueux, au plus éclairé.

Il est surtout une loi que tu as promis d’observer scrupuleusement: c’est celle du secret le plus inviolable sur nos rituels, cérémonies, signes, et la forme de notre Association. Garde-toi de croire que cet engagement est moins sacré que les serments que tu prononceras dans la société civile. Tu fus libre en le prononçant: mais tu ne l’es plus de rompre le secret qui te lie.

La Franc-Maçonnerie disséquée par Samuel Prichard 1730

La Franc-Maçonnerie disséquée par Samuel Prichard 1730

Ce texte est un des textes fondateurs, en particulier pour ceux qui pratiquent les rites basés sur les principes des Moderne. C’est la première divulgation complète avec le grade de Maître. Je pense donc qu’il est de mon devoir de Franc-Maçon, dans la recherche de la vérité, de le mettre gracieusement à la disposition des Sœurs et des Frères. Que le traducteur et les frères qui m’ont aidé soient remerciés.

J’ai inclus le tableau de la Grand Loge de Londres fait par Picart en 1735. On le trouve dans Illustrations de Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. Source : Bibliothèque nationale de France.

Ce document est particulièrement intéressant : il montre bien la forme en équerre de la table autour de laquelle les Frères se réunissaient et l’emplacement des trois chandeliers.

Je vous joins en introduction un petit texte de l’érudit de notre Ordre en ce début du 3éme millénaire: A/ B/

J/C/ V/
Membre de l’académie Internationale du Véme Ordre U.M.U.R.M.

Le Discours de Ramsay (2ème version 1738)

Le Discours de Ramsay (2ème version 1738)

Discours de M. le chevalier de Ramsay

La noble ardeur que vous montrez, Messieurs, pour entrer dans le très ancien et très illustre ordre des Francs-maçons, est une preuve certaine que vous possédez déjà toutes les qualités requises pour en devenir les membres. Ces qualités sont la Philanthropie sage, la morale pure, le secret inviolable et le goût des beaux arts.

Lycurge, Solon, Numa, et tous les autres Législateurs politiques n’ont pû rendre leurs établissements durables; quelques sages qu’aient été leurs lois, elles n’ont pû s’étendre dans tous les pays ni convenir au goût, au génie, aux intérêts de toutes les Nations. La Philanthropie n’était pas leur base. L’amour de la patrie mal entendu et poussé à l’excès, détruisit souvent dans ces Républiques guerrières l’amour de l’humanité en général. Les hommes ne sont pas distingués essentiellement par la différence des langues qu’ils parlent, des habits qu’ils portent, des pays qu’ils occupent, ni des dignités dont ils sont revêtus.
Le monde entier n’est qu’une grande République, dont chaque nation est une famille, et chaque particulier un enfant. C’est pour faire revivre et répandre ces anciennes maximes prises dans la nature de l’homme, que notre Société fut établie. Nous voulons réunir des hommes d’un esprit éclairé et d’une humeur agréable, non seulement par l’amour des beaux-arts, mais encore plus par les grands principes de vertu, où l’intérêt de la confraternité devient celui du genre humain entier, où toutes les Nations peuvent puiser des connaissances solides, et où tous les sujets des différents Royaumes peuvent conspirer sans jalousie, vivre sans discorde, et se chérir mutuellement sans renoncer à leur Patrie.
Nos Ancêtres, les Croisés, rassemblés de toutes les parties de la Chrétienté dans la Terre Sainte, voulurent réunir ainsi dans une seule confraternité les sujets de toutes les Nations.
Quelle obligation n’a-t-on pas à ces Hommes supérieurs qui, sans intérêt grossier, sans écouter l’envie naturelle de dominer, ont imaginé un établissement dont le but unique est la réunion des esprits et des coeurs, pour les rendre meilleurs, et former dans la suite des temps une nation spirituelle où, sans déroger aux devoirs que la différence des états exige, on créera un peuple nouveau qui, en tenant de plusieurs nations, les cimentera toutes en quelque sorte par les liens de la vertu et de la science.
La saine Morale est la seconde disposition requise dans notre société. Les ordres Religieux furent établis pour rendre les hommes chrétiens parfaits; les ordres militaires, pour inspirer l’amour de la belle gloire; l’Ordre des Free-Maçons fut institué pour former des hommes et des hommes aimables, des bons citoyens et des bons sujets, inviolables dans leurs promesses, fidèles adorateurs du Dieu de l’Amitié, plus amateurs de la vertu que des récompenses.

Polliciti servare fidem, sanctumque vereri
Numen amicitiae, mores, non munera amarare.

Ce n’est pas que nous nous bornions aux vertus purement civiles. Nous avons parmi nous trois espèces de confrères, des Novices ou des Apprentis, des Compagnons ou des Profès, des Maîtres ou des Parfaits. Nous expliquons aux premiers les vertus morales et philanthropes, aux seconds, les vertus héroïques; aux derniers les vertus surhumaines et divines. De sorte que notre institut renferme toute la Philosophie des sentiments, et toute la théologie du cœur. C’est pourquoi un de nos vénérables Confrères dit dans une Ode pleine d’enthousiasme:
Free-Maçons, Illustre grand Maître,
Recevez mes premiers transports,
Dans mon cœur l’ordre les fait naître;
Heureux ! si de nobles efforts
Me font mériter votre estime,
M’élèvent à ce vrai sublime,
A la première vérité,
A l’essence pure et divine,
De l’âme céleste origine,
Source de vie et de clarté.
Comme une Philosophie sévère, sauvage, triste et misanthrope dégoûte les hommes de la vertu, nos Ancêtres, les Croisés, voulurent la rendre aimable par l’attrait des plaisirs innocents, d’une musique agréable, d’une joie pure, et d’une gaieté raisonnable.
Nos sentiments ne sont pas ce que le monde profane et l’ignorant vulgaire s’imagine. Tous les vices du cœur et de l’esprit en sont bannis, et l’irréligion et le libertinage, l’incrédulité et la débauche. C’est dans cet esprit qu’un de nos Poètes a dit:
Nous suivons aujourd’hui des sentiers peu battus,
Nous cherchons à bâtir, et tous nos édifices
Sont ou des cachots pour les vices,
Ou des temples pour les vertus.

Nos repas ressemblent à ces vertueux soupers d’Horace, où l’on s’entretenait de tout ce qui pouvait éclairer l’esprit, perfectionner le cœur, et inspirer le goût du vrai, du bon et du beau:
O! noctes, coenaeque Deum…
Sermo oritur non de regnis domibusque alienis;
…sed quod magis ad nos
Pertinet, et nescire malum est, agitamus; utrumne
Divitis homines, an sint virtute beati;
Quidve ad amicitias usus rectumve trahat nos,
Et quae sit natura boni, summumque quid ejus.
Ici l’amour de tous les désirs se fortifie. Nous bannissons de nos Loges toute dispute, qui pourrait altérer la tranquillité de l’esprit, la douceur des mœurs, les sentiments de l’amitié, et cette harmonie parfaite qui ne se trouve que dans le retranchement de tous les excès indécents, et de toutes les passions discordantes.
Les obligations que l’ordre vous impose, sont de protéger vos Confrères par votre autorité, de les éclairer par vos lumières, de les édifier par vos vertus, de les secourir dans leurs besoins, de sacrifier tout ressentiment personnel, et de rechercher tout ce qui peut contribuer à la paix, à la concorde et à l’union de la Société.
Nous avons des secrets; ce sont des signes figuratifs et des paroles sacrées, qui composent un langage tantôt muet et tantôt très éloquent, pour le communiquer à la plus grande distance, et pour reconnaître nos Confrères de quelque langue ou quelque pays qu’ils soient. C’était, selon les apparences, des mots de guerre que les croisés se donnaient les uns aux autres, pour se garantir des surprises des Sarrasins, qui se glissaient souvent déguisés parmi eux pour les trahir et les assassiner.
Ces signes et ces paroles rappellent le souvenir ou de quelque partie de notre science ou de quelque vertu morale, ou de quelque mystère de la foi. Il est arrivé chez nous, ce qui n’est guère arrivé dans aucune autre société. Nos loges sont établies et se répandent aujourd’hui dans toutes les nations policées, et cependant dans une si nombreuse multitude d’hommes, jamais aucun Confrère n’a trahi nos secrets. Les esprits les plus légers, les plus indiscrets et les moins instruits à se taire, apprennent cette grande science dès qu’ils entrent dans notre société. Tant l’idée de l’Union fraternelle a d’empire sur les esprits.
Ce secret inviolable contribue puissamment à lier les sujets de toutes les Nations, et à rendre la communication des bienfaits facile et mutuelle entre eux. Nous en avons plusieurs exemples dans les annales de notre Ordre, nos Confrères qui voyageaient dans les différents pays de l’Europe, s’étant trouvés dans le besoin, se sont fait connaître à nos loges, et aussitôt ils ont été comblés de tous les secours nécessaires. Dans le temps même des guerres les plus sanglantes, des illustres prisonniers ont trouvé des frères ou ils ne croyaient trouver que des ennemis. Si quelqu’un manquait aux promesses solennelles qui nous lient, vous sachez, Messieurs, que les plus grandes peines sont les remords de sa conscience, la honte de sa perfidie, et l’exclusion de notre Société, selon ces belles paroles d’Horace:

Est et fideli tuta silentio
Merces; vetabo qui Cereris sacrum
Vulgarit arcanae, sub isdem
Sit tragibus, fragilemque mecum
Solvat phaselum;…

Oui, Messieurs, les fameuses fêtes de Cérès à Eleusis dont parle Horace aussi bien que celles d’Isis en Egypte, de Minerve à Athènes, d’Uranie chez les Phéniciens, et de Diane en Scythie avoient quelque rapport à nos solennités. On y célébrait les mystères où se trouvaient plusieurs vestiges de l’ancienne religion de Noé et des patriarches; ensuite on finissait par les repas et les libations, mais, sans les excès, les débauches et l’intempérance ou les Païens tombèrent peu à peu. La source de toutes ces infamies fut l’admission des personnes de l’un et de l’autre sexe aux assemblées nocturnes contre la primitive institution. C’est pour prévenir de semblables abus que les femmes sont exclues de notre Ordre.
Ce n’est pas que nous soyons assez injustes pour regarder le sexe comme incapable de secret, mais c’est, parce que sa présence pourrait altérer insensiblement la pureté de nos maximes et de nos mœurs:
Si le sexe est banni, qu’il n’en ait point d’alarmes,
Ce n’est point un outrage à sa fidélité;
Mais on craint que l’amour entrant avec ses charmes,
Ne produise l’oubli de la fraternité.
Noms de frère et d’ami seraient de faibles armes
Pour garantir les coeurs de la rivalité.

La quatrième qualité requise pour entrer dans notre Ordre est le goût des sciences utiles, et des arts libéraux de toutes les espèces; ainsi l’ordre exige de chacun de vous, de contribuer par sa protection, par sa libéralité, ou par son travail à un vaste Ouvrage auquel nulle Académie, et nulle Université ne peuvent suffire, parce que toutes les Sociétés particulières étant composées d’un très petit nombre d’hommes, leur travail ne peut embrasser un objet aussi immense.
Tous les Grands Maîtres en Allemagne, en Angleterre, en Italie et par toute l’Europe, exhortent tous les savants et tous les Artistes de la Confraternité, de s’unir pour fournir les matériaux d’un Dictionnaire universel de tous les Arts Libéraux et de toutes les sciences utiles, la Théologie et la Politique seules exceptées. On a déjà commencé l’ouvrage à Londres; mais par la réunion de nos confrères on pourra le porter à sa perfection en peu d’années. On y expliquera non seulement le mot technique et son étymologie, mais on donnera encore l’histoire de la science et de l’Art, ses grands principes et la manière d’y travailler. De cette façon on réunira les lumières de toutes les nations dans un seul ouvrage, qui sera comme un magasin général, et une Bibliothèque universelle de tout ce qu’il y a de beau, de grand, de lumineux, de solide et d’utile dans toutes les sciences naturelle et dans tous les arts nobles. Cet ouvrage augmentera chaque siècle, selon l’augmentation des lumières; c’est ainsi qu’on répandra une noble émulation avec le goût des Belles-Lettres et des beaux Arts dans toute l’Europe.
Chaque famille, chaque République, et chaque Empire dont l’origine est perdue dans une antiquité obscure, a sa fable et a sa vérité, sa légende et son histoire, sa fiction et sa réalité.
Quelques-uns font remonter notre institution jusqu’au temps de Salomon, de Moïse, des Patriarches, de Noé même. Quelques autres prétendent que notre fondateur fut Enoch, le petit-fils du Protoplaste, qui bâtit la première ville et l’appela de son nom. Je passe rapidement sur cette origine fabuleuse, pour venir à notre véritable histoire. Voici donc ce que j’ai pû recueillir dans les très anciennes Annales de l’Histoire de la Grande-Bretagne, dans les actes du Parlement d’Angleterre, qui parlent souvent de nos privilèges, et dans la tradition vivante de la Nation Britannique, qui a été le centre et le siège de notre Confraternité depuis l’onzième siècle.
Du temps des guerres saintes dans la Palestine, plusieurs Princes, Seigneurs et Citoyens entrèrent en Société, firent vœu de rétablir les temples des Chrétiens dans la Terre Sainte, et s’engagèrent par serment à employer leurs talents et leurs biens pour ramener l’Architecture à primitive institution. Ils convinrent de plusieurs signes anciens, de mots symboliques tirés du fond de la religion, pour se distinguer des Infidèles, et se reconnaître d’avec les Sarasin. On ne communiquait ces signes et ces paroles qu’à ceux qui promettaient solennellement et souvent même au pieds des Autels de ne jamais les révéler. Cette promesse n’était donc plus un serment exécrable, comme on le débite, mais un lien respectable pour unir les hommes de toutes les Nations dans une même confraternité. Quelques temps après, notre Ordre s’unit intimement avec les Chevaliers de S. Jean de Jérusalem. Dès lors et depuis nos Loges portèrent le nom de Loges de S. Jean dans tous les pays. Cette union se fit en imitation des Israélites, lorsqu’ils rebâtirent le second Temple, pendant qu’ils maniaient d’une main la truelle et le mortier, ils portaient de l’autre l’Epée et le Bouclier.
Notre Ordre par conséquent, ne doit pas être regardé comme un renouvellement de bacchanales, et une source de folle dissipation de libertinage effréné, et d’intempérance scandaleuse, mais comme un ordre moral, institué par nos Ancêtres dans la Terre sainte pour rappeler le souvenir des vérités les plus sublimes, au milieu des innocents plaisirs de la Société.
Les Rois, les Princes et les Seigneurs, en revenant de la Palestine dans leurs pays, y établirent des Loges différentes. Du temps des dernières Croisades on voit déjà plusieurs Loges érigées en Allemagne, en Italie, en Espagne, en France et de là en Ecosse, à cause de l’intime alliance qu’il y eut alors entre ces deux Nations.
Jacques Lord Steward d’Ecosse fut Grand Maître d’une Loge établie à Kilwinning dans l’Ouest d’Ecosse en l’an 1286, peu de temps après la mort d’Alexandre III Roi d’Ecosse, et un an avant que Jean Baliol montât sur le Trône. Ce Seigneur Ecossois reçut Free-Maçons dans sa Loge les Comtes de Gloucester et d’Ulster, Seigneurs Anglais et Irlandais.
Peu à peu nos Loges, nos fêtes et nos solennités furent négligées dans la plupart des pays ou elles avoient été établies. De-là vient le silence des Historiens de presque tous les Royaumes sur notre Ordre, hors ceux de la Grande-Bretagne. Elles se conservèrent néanmoins dans toute leur splendeur parmi les Ecossais, à qui nos Rois confièrent pendant plusieurs siècles la garde de leur sacrée personne.
Après les déplorables traverses des Croisades, le dépérissement des Armées Chrétiennes et le triomphe de Bendocdar Soudan d’Egypte, pendant la huitième et dernière Croisade, le Fils d’Henry III Roi d’Angleterre, le grand prince Edouard voyant qu’il n’avait plus de sûreté pour ses confrères dans la Terre sainte, quand les troupes Chrétiennes s’en retiraient, les ramena tous, et cette Colonie de frères s’établit ainsi en Angleterre. Comme ce Prince était doué de toutes les qualités du cœur et de l’esprit qui forment les Héros, il aima les beaux Arts, se déclara protecteur de notre Ordre, lui accorda plusieurs privilèges et franchises, et dès lors les membres de cette Confraternité prirent le nom de Francs-Maçons.
Depuis ce temps la Grande-Bretagne devint le siège de notre science, conservatrice de nos lois, et la dépositaire de nos secrets. Les fatales discordes de religion qui embrasèrent et déchirèrent l’Europe dans le seizième siècle, firent dégénérer notre ordre de la grandeur et de la noblesse de son origine. On changea, on déguisa, ou l’on retrancha plusieurs de nos rites et usages qui étaient contraires aux préjugés du temps.
C’est ainsi que plusieurs de nos confrères oublièrent l’esprit de nos lois, et n’en conservèrent que la lettre et l’écorce. Notre grand maître, dont les qualités respectables surpassent encore la naissance distinguée, veut que l’on rappelle tout à sa première institution, dans un Pays ou la religion et l’Etat ne peuvent que favoriser nos Lois.
Des îles Britanniques, l’antique science commence à repasser dans la France sous le règne du plus aimable des Rois, dont l’humanité fait l’âme de toutes les vertus, sous le ministère d’un Mentor qui a réalisé tout ce qu’on avait imaginé de plus fabuleux.
Dans ces temps heureux ou l’amour de la Paix est devenu la vertu des Héros, la nation la plus spirituelle de l’Europe deviendra le centre de l’Ordre; elle répandra sur nos Ouvrages, nos Statuts et nos mœurs, les grâces, la délicatesse et le bon goût, qualités essentielles dans un Ordre, dont la base est la sagesse, la force et la beauté du génie. C’est dans nos Loges à l’avenir, comme dans des Ecoles publiques, que les François verront, sans voyager, les caractères de toutes les Nations, et c’est dans ces mêmes Loges que les Etrangers apprendront par expériences, que la France est la vraie Patrie de tous les Peuples.
Patria gentis humanae.

Le Discours de Ramsay (1736) première version

Le Discours de Ramsay (1736) première version

Ce discours devait normalement être prononcé à la Tenue de Grande Loge du 24 mars 1737. Au préalable, Ramsay eut la malencontreuse idée de le soumettre au Cardinal de Fleury qui eut une réaction négative à l’encontre du discours, mais aussi de la Maçonnerie. La Tenue du 24 mars 1737 fut annulée. (Le texte du discours est suivi des 2 lettres envoyées par Ramsay au Cardinal de Fleury)

Discours de M. le chevalier de Ramsay

OMNE TRINUM PERFECTUM

Messieurs,

La noble ardeur que vous montrez pour entrer dans l’ancien et très illustre Ordre des francs-maçons est une preuve certaine que vous possédez déjà toutes les qualités nécessaires pour en devenir les membres. Ces qualités sont la philanthropie, le secret inviolable et le goût des beaux-arts.
Lycurgue, Solon, Numa et tous les autres législateurs politiques n’ont pu rendre leurs républiques durables : quelque sages qu’aient été leurs lois, elles n’ont pu s’étendre dans tous les pays et dans tous les siècles. Comme elles étaient fondées sur les victoires et les conquêtes, sur la violence militaire et l’élévation d’un peuple au-dessus d’un autre, elles n’ont pu devenir universelles ni convenir au goût, au génie et aux intérêts de toutes les nations. La philanthropie n’était pas leur base ; le faux amour d’une parcelle d~hommes qui habitent un petit canton de l’univers et qu’on nomme la patrie, détruisait dans toutes ces républiques guerrières l’amour de l’humanité en général. Les hommes ne sont pas distingués essentiellement par la différence des langues qu’ils parlent, des habits qu’ils portent, ni des coins de cette fourmilière qu’ils occupent. Le monde entier n’est qu’une grande république, dont chaque nation est une famille, et chaque particulier un enfant. C’est, messieurs, pour faire revivre et répandre ces anciennes maximes prises dans la nature de I’homme que notre société fut établie. Nous voulons réunir tous les hommes d’un goût sublime et d’une humeur agréable par l’amour des beaux-arts, où l’ambition devient une vertu, où l’intérêt de la confrérie est celui du genre humain entier, où toutes les nations peuvent puiser des connaissances solides, et où les sujets de tous les différents royaumes peuvent conspirer sans jalousie, vivre sans discorde, et se chérir mutuellement. Sans renoncer à leurs principes, nous bannissons de nos lois toutes disputes qui peuvent altérer la tranquillité de l’esprit, la douceur des mœurs, les sentiments tendres, la joie raisonnable, et cette harmonie parfaite qui ne se trouve que dans le retranchement de tous les excès indécents et de toutes les passions discordantes.
Nous avons aussi nos mystères : ce sont des signes figuratifs de notre science, des hiéroglyphes très anciens et des paroles tirées de notre art, qui composent un langage tantôt muet et tantôt très éloquent pour se communiquer à la plus grande distance, et pour reconnaître nos confrères de quelque langue ou de quelque pays qu’ils soient. On ne découvre que le sens littéral à ceux qu’on reçoit d’abord. Ce n’est qu’aux adeptes qu’on dévoile le sens sublime et symbolique de nos mystères. C’est ainsi que les orientaux, les égyptiens, les grecs et les sages de toutes les nations cachaient leurs dogmes sous des figures, des symboles et des hiéroglyphes. La lettre de nos lois, de nos rites et de nos secrets ne présente souvent à l’esprit qu’un amas confus de paroles inintelligibles: mais les initiés y trouvent un mets exquis qui nourrit, qui élève, et qui rappelle à l’esprit les vérités les plus sublimes. n est arrivé parmi nous ce qui n’est guère arrivé dans aucune autre société. Nos loges ont été établies autrefois et se répandent aujourd’hui dans toutes les nations policées, et cependant dans une si nombreuse multitude d’hommes, jamais aucun confrère n’a trahi notre secret. Les esprits les plus légers, les plus indiscrets et les moins instruits à se taire apprennent cette grande science aussitôt qu’ils entrent parmi nous : ils semblent alors se transformer et devenir des hommes nouveaux, également impénétrables et pénétrants. Si quelqu’un manquait aux serments qui nous lient, nous n’avons d’autres lois pénales que les remords de sa conscience et l’exclusion de notre société, selon ces paroles d’Horace :

Est et fideli tuta silentio
Merces : vetabo, qui Cereris sacrum
Vulgarit arcanae, sub isdem
Sit trabibus, fragilemve mecum
Solvat phaselum

Horace fut autrefois orateur d’une grande loge établie à Rome par Auguste, pendant que Mécène et Agrippa y étaient surveillants. Les meilleures odes de ce poète sont des hymnes qu’il composa pour être chantées à nos orgies. Oui messieurs, les fameuses fêtes de Cérès à Eleusine, dont parle Horace, aussi bien que celles de Minerve à Athènes et d’Isis en Egypte n’étaient autres que des loges de nos initiés, où l’on célébrait nos mystères par les repas et les libations mais sans les excès, les débauches et l’intempérance où tombèrent les païens, après avoir abandonné la sagesse de nos principes et la propreté de nos maximes.

Le goût des arts libéraux est la troisième qualité requise entrer dans notre Ordre, la perfection de ce goût fait l’essence, la fin et l’objet de notre union. De toutes les sciences mathématiques, celle de l’architecture, soit civile, soit navale, soit militaire est, sans doute, la plus utile et la plus ancienne. C’est par elle qu’on se défend contre les injures de l’air, contre l’instabilité des flots, et surtout contre la fureur des autres hommes. C’est par notre art que les mortels ont trouvé le secret de bâtir des maisons et des villes pour rassembler les grandes sociétés, de parcourir les mers pour communiquer de l’un à l’autre hémisphère les richesses de la terre et des ondes, et enfin de former des remparts et des machines contre un ennemi plus formidable que les éléments et les animaux, je veux dire contre l’homme même qui n’est qu’une bête féroce, à moins que son naturel ne soit adouci par les maximes douces, pacifiques et philanthropes qui règnent dans notre société.
Telles sont, messieurs, les qualités requises dans notre Ordre dont il faut à présent vous découvrir l’origine et l’histoire en peu de mots.

Notre science est aussi ancienne que le genre humain, mais il ne faut pas confondre l’histoire générale de l’art avec l’histoire particulière de notre société. Il y a eu dans tous les pays et dans tous les siècles des architectes, mais tous ces architectes n’étaient pas des francs-maçons initiés dans nos mystères. Chaque famille, chaque république et chaque empire dont l’origine est perdue dans une antiquité obscure a sa fable et sa vérité, sa légende et son histoire, sa fiction et sa réalité. La différence qu’il y a entre nos traditions et celles de toutes les autres sociétés humaines est que les nôtres sont fondées sur les annales du plus ancien peuple de l’univers, du seul qui existe aujourd’hui sous le même nom qu’autrefois, sans se confondre avec les autres nations quoique dispersé partout, et du seul enfin qui ait conservé ses livres antiques, tandis que ceux de presque tous les autres peuples sont perdus. Voici donc ce que j’ai pu recueillir de notre origine dans les très anciennes archives de notre Ordre, dans les actes du parlement d’Angleterre qui parlent souvent de nos privilèges, et dans la juridiction vivante d’une nation qui a été le centre de notre science arcane depuis le dixième siècle. Daignez, messieurs, redoubler votre attention ; frères surveillants couvrez la loge, éloignez d’ici le vulgaire profane. Procul oh procul este profani, odi profanum vulgus et arceo, favete linguis.

Le goût suprême de l’ordre et de la symétrie et de la projection ne peut être inspiré que par le Grand Géomètre architecte de l’univers dont les idées éternelles sont les modèles du vrai beau . Aussi voyons-nous dans les annales sacrées du législateur des juifs que ce fut Dieu même qui apprit au restaurateur du genre humain les proportions du bâtiment flottant qui devait conserver pendant le déluge les animaux de toutes les espèces pour repeupler notre globe quand il sortirait du sein des eaux. Noé par conséquent doit être regardé comme l’auteur et l’inventeur de l’architecture navale aussi bien que le premier grand-maître de notre Ordre.

La science arcane fut transmise par une tradition orale depuis lui jusqu’à Abraham et aux patriarches dont le dernier porta en Egypte notre art sublime. Ce fut Joseph qui donna aux égyptiens la première idée des labyrinthes, des pyramides et des obélisques qui ont fait l’admiration de tous les siècles. C’est par cette tradition patriarcale que nos lois et nos maximes furent répandues dans l’Asie, dans l’Egypte, dans la Grèce et dans toute la Gentilité, mais nos mystères furent bientôt altérés, dégradés, corrompus et mêlés de superstitions, la science secrète ne fut conservée pure que parmi le peuple de Dieu.

Moïse inspiré du Très-Haut fit élever dans le désert un temple mobile conforme au modèle qu’il avait vu dans une vision céleste sur le sommet de la montagne sainte, preuve évidente que les lois de notre art s’observent dans le monde invisible où tout est harmonie, ordre et proportion . Ce tabernacle ambulant, copie du palais invisible du Très-Haut qui est le monde supérieur, devint ensuite le modèle du fameux temple de Salomon, le plus sage des rois et des mortels. Cet édifice superbe soutenu de quinze cents colonnes de marbre de Paros, percé de plus de deux mille fenêtres, capable de contenir quatre cent mille personnes, fut bâti en sept ans par plus de trois mille princes ou maîtres maçons qui avaient pour chef Hiram-Abif grand-maître de la loge de Tyr, à qui Salomon confia tous nos mystères. Ce fut le premier martyr de notre Ordre…(lacune)… sa fidélité à garder…(lacune)… son illustre sacrifice. Après sa mort, le roi Salomon écrivit en figures hiéroglyphiques nos statuts, nos maximes et nos mystères, et ce livre antique est le code originel de notre Ordre.

Après la destruction du premier temple et la captivité de la nation favorite, l’oint du Seigneur, le grand Cyrus qui était initié dans tous nos mystères constitua Zorobabel grand-maître de la loge de Jérusalem, et lui ordonna de jeter les fondements du second temple où le mystérieux Livre de Salomon fut déposé. Ce Livre fut conservé pendant 12 siècles dans le temple des israélites, mais après la destruction de ce second temple sous l’empereur Tite et la dispersion de ce peuple, ce livre antique fut perdu jusqu’au temps des croisades, qu’il fut retrouvé en partie après la prise de Jérusalem. On déchiffra ce code sacré et sans pénétrer l’esprit sublime de toutes les figures hiéroglyphiques qui s’y trouvèrent, on renouvela notre ancien Ordre dont Noé , Abraham, les patriarches, Moïse, Salomon et Cyrus avaient été les premiers grands-maîtres. Voilà, messieurs, nos anciennes traditions. Voici maintenant notre véritable histoire.

Du temps des guerres saintes dans la Palestine , plusieurs princes, seigneurs et artistes entrèrent en société, firent vœu de rétablir les temples des chrétiens dans la terre sainte, s’engagèrent par serment à employer leur science et leurs biens pour ramener l’architecture à la primitive institution, rappelèrent tous les signes anciens et les paroles mystérieuses de Salomon, pour se distinguer des infidèles et se reconnaître mutuellement… [et décidèrent de] s’unir intimement avec… [les Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem]. Dès lors et depuis, nos loges portèrent le nom de loges de saint Jean dans tous les pays. Cette union se fit en imitation des israélites lorsqu’ils rebâtirent le second temple. Pendant que les uns maniaient la truelle et le compas, les autres les défendaient avec l’épée et le bouclier.

Après les déplorables traverses des guerres sacrées, le dépérissement des armées chrétiennes, et le triomphe de Bendocdor soudan d’Egypte pendant la huitième et dernière croisade, le fils de Henry III d’Angleterre, le grand prince Edouard, voyant qu’il n’y aurait plus de sûreté pour ses confrères maçons dans la terre sainte quand les troupes chrétiennes se retireraient, les ramena tous et cette colonie d’adeptes s’établit ainsi en Angleterre. Comme ce prince était doué de toutes les qualités d’esprit et de cœur qui forment les héros, il aima les beaux-arts et surtout notre grande science. Etant monté sur le trône, il se déclara grand-maître de l’Ordre, lui accorda plusieurs privilèges et franchises, et dès lors les membres de notre confrérie prirent le nom de francs-maçons.

Depuis ce temps la Grande-Bretagne devint le siège de la science arcane, la conservatrice de nos dogmes et le dépositaire de tous nos secrets. Des îles britanniques l’antique science commence à passer dans la France. La nation la plus spirituelle de l’Europe va devenir le centre de l’Ordre et répandra sur nos statuts les grâces, la délicatesse et le bon goût, qualités essentielles dans un Ordre dont la base est la sagesse, la force et la beauté du génie. C’est dans nos loges à l’avenir que les français verront sans voyager, comme dans un tableau raccourci, les caractères de toutes les nations, et c’est ici que les étrangers apprendront par expérience que la France est la vraie patrie de tous les peuples.

Les deux lettres de Ramsay:

La première lettre date du 20 mars 1737. Elle est rédigée comme suit :
“Monseigneur,
Je croirais manquer aux bontés dont votre Eminence m’honore, si je donnais ce discours à l’impression, sans le lui communiquer d’avance, il ne faut qu’un quart d’heure pour le lire.
Si j’osais, je la supplierais de le corriger, non seulement pour la matière mais pour la diction. Je voudrais que tous les discours que je prononce dans nos assemblées à la jeune noblesse de France et même de plusieurs autres nations, fussent remplis de votre esprit, de vos sentiments et de votre style.
Daignez, Monseigneur, soutenir la société des Francs-Maçons dans les grandes vues qu’ils se proposent et votre Eminence rendra son nom bien plus glorieux par cette protection, que Richelieu ne fit le sien par la Fondation de l’Académie Française.
Je sais que de transmettre son nom à la postérité avec éclat est un très mince objet pour un Prélat qui espère et qui aime celui qui peut le rendre immortel. Mais couronner ces nobles travaux et la pacification de l’Europe entière, en encourageant une Société qui ne tend qu’à réunir toutes les nations par l’Amour de la Vertu et des Beaux Arts est une action digne d’un grand Ministre, d’un Père de l’Eglise et d’un Saint Pontife.
Comme je dois lire demain mon discours dans une Assemblée de l’Ordre et le donner lundi matin aux examinateurs de la Chancellerie, je supplie votre Eminence de me le renvoyer demain avant midi, par un express. Elle obligera infiniment un homme qui lui est dévoué par le cœur et qui est avec un profond respect, Monseigneur, de votre Eminence, le très humble et très obéissant serviteur”.
de RAMSAY

La seconde lettre est datée du 22 mars 1737. Elle permet de supposer la réaction du Cardinal :
“Monseigneur,
Je reviens de la campagne, et j’apprends que les assemblées de Francs-Maçons déplaisent à votre Eminence. Je ne les ai jamais fréquentées que dans la vue d’y répandre des maximes qui auraient rendu peu à peu, l’incrédulité ridicule, le vice odieux et l’ignorance honteuse. Je suis persuadé que si l’on glissait à la tête de ces assemblées des gens sages et choisis par votre Eminence, elles pourraient devenir très utiles à la Religion, à l’Etat et aux Lettres. C’est ce dont je crois pouvoir convaincre votre Eminence si elle daigne m’accorder une courte audience à Issy.
En attendant ce moment heureux, je la supplie de vouloir bien me mander si je dois retourner à ces assemblées et je me conformerai aux volontés de votre Eminence, avec une docilité sans borne, égale au très profond respect avec lequel je suis, Monseigneur, de votre Eminence le très humble et très obéissant serviteur.
A Paris, ce 22 mars.
de RAMSAY

Le Régius

Le Régius

Le plus ancien texte de la Maçonnerie opérative anglaise, poème écrit vers 1390

Ici commencent les statuts de l’art
De Géométrie selon Euclide.
Celui qui voudra lire et chercher
Pourra trouver écrite dans un vieux livre
L’histoire de grands seigneurs et grandes dames,

Qui, certes, avaient beaucoup d’enfants;
Mais n’avaient pas de revenus pour en prendre soin,
Ni en ville, ni à la campagne ou dans les bois;
Ils tinrent ensemble conseil pour eux,
Et décidèrent pour leur bien,
Comment ils pourraient mieux mener leur vie
Sans inconfort, ni souci ni lutte;
Et encore pour la multitude qui viendra
Ils envoyèrent chercher de grands clercs,
Pour leur enseigner alors de bons métiers;
Et nous les prions, pour l’amour de notre Seigneur,
Pour nos enfants de trouver un travail,
Pour qu’ils puisent ainsi gagner leur vie,
Tant bien qu’honnêtement en toute sécurité.
En ce temps-là, par la bonne géométrie,
Cet honnête métier qu’est la bonne maçonnerie
Fut constitué et crée ainsi,
Conçu par ces clercs ;
Sur la prière de ces seigneurs ils inventèrent la géométrie,
Et lui donnèrent le nom de maçonnerie,
A ce plus honnête de tous les métiers.
Les enfants de ces seigneurs s’appliquèrent,
A apprendre de lui le métier de géométrie,
Ce qu’il fit très soigneusement;
A la prière des pères et des mères aussi,
Il les mit à cet honnête métier.
Celui qui apprenait le mieux, et était honnête,
Et surpassait ses compagnons en attention,
Si dans ce métier il les dépassait,
Il devait être plus honoré que le dernier,
Le nom de ce grand clerc était Euclide,
Son nom se répandait fort loin.
Pourtant ce grand clerc ordonna
A celui qui était plus élevé dans ce degré,
Qu’il devait enseigner les plus simples d’esprit
Pour être parfait en cet honnête métier;
Et ainsi ils doivent s’instruire l’un l’autre,
Et s’aimer ensemble comme sœur et frère.
Il ordonna encore que,
Maître doit il être appelé;
Afin qu’il soit le plus honoré,
Alors il devait être nommé ainsi;
Mais jamais maçons ne doivent appeler un autre,
Au sein du métier parmi eux tous,
Ni sujet ni serviteur, mon cher frère,
Même s’il est moins parfait qu’un autre;
Chacun appellera les autres compagnons par amitié,
Car ils sont nés de nobles dames.
De cette manière, par la bonne science de géométrie,
Commença le métier de la maçonnerie;
Le clerc Euclide le fonda ainsi,
Ce métier de géométrie au pays d’Egypte.
En Egypte il l’enseigna tout autour,
Dans diverses pays de tous côtés;
Pendant de nombreuses années, je croix,
Avant que ce métier arrive dans ce pays.
Ce métier arriva en Angleterre, comme je vous dis,
Au temps du bon Roi Athelstane,
Il fit construire alors tant manoir que même bosquet,
Et de hauts temples de grand renom,
Pour s’y divertir le jour comme la nuit,
Ce bon seigneur aimait beaucoup ce métier,
Et voulut le consolider de toutes ses parties,
A cause de divers défauts qu’il trouva dans le métier;
Il envoya à travers le pays
Dire à tous les maçons du métier,
De venir vers lui sans délai,
Pour amender ces défauts tous
Par bon conseil, autant que possible.
Une assemblée alors il réunit
De divers seigneurs en leur rang,
Des ducs, comtes, et barons aussi,
Des chevaliers, écuyers et maintes autres,
Et les grands bourgeois de cette cité,
Ils étaient tous là chacun à son rang;
Ils étaient là tous ensemble,
Pour établir le statut de ces maçons,
Ils y cherchaient de tout leur esprit,
Comment ils pourraient le gouverner;

Quinze articles ils voulaient écrire,
Et quinze points ils y ont crées,

Article 1.
Le premier article de cette géométrie;-
Le maître maçon doit être digne de confiance
A la fois constant, loyal et vrai,
Il ne l’aura alors jamais à regretter;
Tu dois payer tes compagnons selon le cours,
Des victuailles, tu le sais bien;
Et paie les justement, et de bonne foi,
Ce qu’ils peuvent mériter;
Et évites soit par amour soit par crainte,
D’aucune des parties d’accepter des avantages;
Du seigneur ni du compagnon, qui que ce soit,
D’eux tu ne prends aucune sorte de paiement;
Et en juge tiens toi intègre,
Et alors aux deux tu rendra leur bon droit;
Et véritablement fais ceci où que tu ailles,
Ton honneur, ton profit, sera le meilleur.

Article 2.
Le second article de bonne maçonnerie,
Comme vous devez ici l’entendre particulièrement,
Que tout maître, qui est maçon,
Doit assister au rassemblement général,
Pour que précisément il lui soit dit
Le lieu où l’assemblée se tiendra.
Et à cette assemblée il doit se rendre,
Sauf s’il a une excuse raisonnable,
Ou qu’il soit désobéissant à ce métier
Ou s’abandonne au mensonge,
Ou qu’il soit atteint d’une maladie si grave,
Qu’il ne puisse venir parmi eux;
Cela est une excuse bonne et valable,
Pour cette assemblée, si elle est sincère.

Article 3.
Le troisième article est en vérité,
Que le maître ne prenne aucun Apprenti,
Sauf s’il peut lui assurer de le loger
sept ans chez lui, comme je vous dis,
Pour apprendre son métier, qui soit profitable;
En moins de temps il ne sera pas apte
Au profit du seigneur, ni le sien
Comme vous pouvez le comprendre par bonne raison.

Article 4.
Le quatrième article ceci doit être,
Que le maître doit bien veiller,
A ne pas prendre un serf comme Apprenti,
Ni l’embaucher pour son propre profit,
Car le seigneur auquel il est lié,
Peut chercher le ‘Apprentis où qu’il aille.
Si dans la loge il était pris,
Cela pourrait y faire beaucoup de désordre,
Et un pareil cas pourrait arriver,
Que cela pourrait chagriner certains, ou tous.
Car tous les maçons qui y seront
Se ensemble se tiendront réunis.
Si un tel dans le métier demeurait,
De diverses désordres vous pourrez parler:
Alors pour plus de paix, et honnêteté,
Prenez un Apprenti de meilleure condition.
Dans d’ancien écriture je trouve,
Que l’ Apprenti doit être de naissance noble;
Et ainsi parfois, des fils de grands seigneurs
Ont adopté cette géométrie qui est très bonne.

Article 5.
Le cinquième article est très bon,
Que l’ Apprenti soit de naissance légitime;
Le maître ne doit, sous aucun prétexte,
Prendre un Apprenti qui soit difforme;
Cela signifie, comme vous le verrez
Qu’il ait tous ses membres entiers ensemble;
Pour le métier cela serait grande honte,
De former un homme estropié ou un boiteux,
Car un homme imparfait de telle naissance
Ne serait que peu utile au métier.
Ainsi chacun de vous peut comprendre,
Le métier veut un homme puissant;
Un homme mutilé n’a pas de force,
Vous devez le savoir depuis longtemps.

Article 6.
Le sixième article vous ne devez pas manquer
Que le maître ne doit pas porter préjudice au seigneur,
En prenant au seigneur pour son Apprenti,
Autant que reçoivent ses compagnons, en tout,
Car dans ce métier ils se sont perfectionnés,
Ce que lui n’est pas, vous devez le comprendre.
Ainsi il serait contraire à bonne raison,
De prendre pour lui égal salaire à celui des compagnons.
Ce même article dans ce cas,
Ordonne que son Apprenti gagne moins
Que ses compagnons, qui sont parfaits.
Sur divers points, sachez en revanche,
Que le maître peut instruire son Apprenti tel,
Que son salaire puisse augmenter rapidement,
Et avant que son apprentissage soit terminé,
Son salaire pourrait s’améliorer de beaucoup.

Article 7.
Le septième article que maintenant voici,
Vous dira pleinement à tous ensemble,
Qu’aucun maître ni par faveur ni par crainte,
Ne doit vêtir ni nourrir aucun voleur.
Des voleurs il n’en hébergera jamais aucun,
Ni celui qui a tué un homme,
Ni celui qui a mauvaise réputation,
De crainte que cela fasse honte au métier.

Article 8.
Le huitième article vous montre ainsi,
Ce que le maître a bien le droit de faire.
S’il emploie un homme du métier,
Et qu’il ne soit pas aussi parfait qu’il devrait,
Il peut le remplacer sans délai,
Et prendre à sa place un homme plus parfait.
Un tel homme, par imprudence,
Pourrait faire déshonneur au métier.

Article 9.
Le neuvième article montre fort bien,
Que le maître doit être sage et fort;
Qu’il n’entreprenne aucun ouvrage,
Qu’il ne puisse achever et réaliser;
Et que ce soit aussi au profit des seigneurs,
Ainsi qu’à son métier, où qu’il aille,
Et que les fondations soient bien construites,
Pour qu’il y ait ni fêlure ni brèche.

Article 10.
Le dixième article sert à savoir,
Parmi tous dans le métier, grands ou modestes,
Qu’aucun maître ne doit supplanter un autre,
Mais être ensemble comme des frères,
Dans ce singulier métier, tous quels qu’ils soient,
Qui travaillent sous un maître maçon.
Ni doit il supplanter aucun homme,
Qui s’est chargé d’un travail,
La peine pour cela est tellement forte,
Qu’elle ne pèse pas moins de dix livres,
A moins qu’il soit prouvé coupable,
Celui qui avait d’abord pris le travail en main;
Car nul homme en maçonnerie
Ne doit supplanter un autre impunément,
Sauf s’il a construit de telle façon,
Que cela réduit l’ouvrage à néant;
Alors un maçon peut solliciter ce travail,
Pour le sauver au profit des seigneurs
Dans un tel cas, si cela arrivait,
Aucun maçon ne s’y opposera.
En vérité celui qui a commencé les fondations,
S’il est un maçon habile et solide,
A fermement dans l’esprit,
De mener l’ oeuvre à entière bonne fin.

Article 11.
L’onzième article je te le dis,
est à la fois juste et franc;
Car il enseigne, avec force,
Qu’aucun maçon ne doit travailler de nuit,
A moins de s’exercer à l’étude,
Par laquelle il pourra s’améliorer

Article 12.
Le douzième article est de grande honnêteté
Pour tout maçon, où qu’il se trouve,
Il ne doit pas déprécier le travail de ses compagnons,
S’il veut sauvegarder son honneur;
Avec des paroles honnêtes il l’approuvera,
Grâce à l’esprit que Dieux t’a donné;
Mais en l’améliorant de tout ton pouvoir,
Entre vous deux sans hésitation.

Article 13.
Le treizième article, que Dieu me garde,
C’est, que si le maître a un Apprenti,
Il l’enseignera de manière complète,
Et qu’il puisse apprendre autant de points,
Pour qu’il connaisse bien le métier,
Où qu’il aille sous le soleil.

Article 14.
Le quatorzième article par bonne raison,
Montre au maître comment agir;
Il ne doit prendre Apprenti,
A moins d’avoir diverses tâches à faire,
Pour qu’il puisse pendant son stage,
Apprendre de lui diverses points.

Article 15.
Le quinzième article est le dernier,
Car pour le maître il est un ami;
Pour lui enseigner qu’envers aucun homme,
Il ne doit adopter un comportement faux,
Ni suivre ses compagnons dans leur erreur,
Quelque bien qu’il puisse y gagner;
Ni souffrir qu’ils fassent de faux serments,
Par souci de leurs âmes,
Sous peine d’attirer sur le métier la honte,
Et sur lui-même un blâme sévère.

Dans cette assemblée des points furent adoptés en plus,
Par de grands seigneurs et maîtres aussi.

Le premier point veut que celui qui voudrait connaître ce métier et l’embrasser,
Doit bien aimer Dieu et la sainte église toujours,
Et son maître aussi avec qui il est,
Où qu’il aille par champs ou par bois,
Et aimes aussi tes compagnons,
Car c’est ce que ton métier veut que tu fasses.

Le second point ,
Que le maçon travaille le jour ouvrables,
Aussi consciencieusement qu’il le pourra,
Afin de mériter son salaire pour le jour de repos,
Car celui qui a vraiment fait son travail,
Méritera bien d’avoir sa récompense.

Le troisième point doit être sévère,
Avec l’apprentis, sachez le bien,
Le conseil de son maître il doit garder et cacher,
Et de ses compagnons de bon gré;
Des secrets de la chambre il ne parlera a nul homme,
Ni de la loge quoi qu’ils y fassent;
Quoi que tu entendes ou les vois faire,
Ne le dis à personne où que tu ailles;
Les propos dans la salle, et même au bosquet,
Gardes les bien pour ton grand honneur,
Sans quoi cela tournera pour toi au blâme,
Et apportera au métier grande honte.

Le quatrième point nous enseigne aussi,
Que nul homme à son métier sera infidèle;
Aucune erreur il n’entretiendra
Contre le métier, mais y renoncera;
Ni aucun préjudice il causera
A son maître, ni a son compagnon;
Et bien que l’ Apprenti soit tenu au respect,
Il est toutefois soumis à la même loi.

Le cinquième point est sans nul doute,
Que lorsque le maçon prendra sa paie
Du maître, qui lui est attribué,
Humblement acceptée elle doit être;
Cependant il est juste que le maître,
L’avertisse dans les formes avant midi,
S’il n’a plus l’intention de l’employer,
Comme il le faisait auparavant;
Contre cet ordre il ne peut se débattre,
S’il réfléchit bien c’est dans son intérêt

Le sixième point doit être bien connu,
De tous grands et modestes,
Car un tel cas pourrait arriver;
Qu’entre quelques maçons, sinon tous,
Par envie ou haine mortelle,
S’éclate une grande dispute.
Alors le maçon doit, s’il le peut,
Convoquer les deux parties un jour fixé;
Mais ce jour-là ils ne feront pas la paix,
Avant que la journée de travail soit bien finie,
Un jour de congé vous devez bien pouvoir trouver,
Assez de loisir pour placer la réconciliation,
De peur qu’en la plaçant un jour ouvré
La dispute ne les empêche de travailler;
Faites en sorte qu’ils en finissent.
De manière à ce qu’ils demeurent bien dans la loi de Dieu.

Le septième point pourrait bien dire,
Comment bien longue vie Dieu nous donne,
Ainsi il le reconnaît bien clairement,
Tu ne coucheras pas avec la femme de ton maître,
Ni de ton compagnon, en aucune manière,
Sous peine d’encourir le mépris du métier;
Ni avec la concubine de ton compagnon,
Pas plus que tu ne voudrais qu’il couche avec la tienne.
La peine pour cela qu’on le sache bien,
Est qu’il reste Apprenti sept années pleines,
Celui qui manque à une de ces prescriptions
Alors il doit être châtié;
Car un grand souci pourrait naître,
D’un aussi odieux péché mortel.

Le huitième point est, assurément,
Si tu as reçu quelque charge,
A ton maître reste fidèlement soumis,
Car ce point jamais tu ne le regretteras;
Un fidèle médiateur tu dois être,
Entre ton maître et tes compagnons libres;
Fais loyalement tout ce que tu peux,
Envers les deux parties, et cela est bonne justice.

Le neuvième point s’adresse à celui,
Qui est l’intendant de notre salle,
Si vous vous trouvez en chambre ensemble,
Servez vous l’un l’autre avec calme gaieté;
Gentils compagnons, vous devez le savoir,
Vous devez être intendant chacun à votre tour,
Semaine après semaine sans aucun doute,
Tous doivent être intendant à leur tour,
Pour servir les uns et les autres aimablement,
Comme s’ils étaient s ur et frère;
Nul ne se permettra aux frais d’un autre
De se libérer pour son avantage,
Mais chaque homme aura la même liberté
Dans cette charge, comme il se doit;
Veille à bien payer tout homme toujours,
A qui tu as acheté des victuailles,
Afin qu’on ne te fasse aucune réclamation,
Ni à tes compagnons à aucun titre,
A tout homme ou femme, qui que ce soit,
Paies les bien et honnêtement, nous le voulons;
A ton compagnon tu en rendras compte exacte,
De ce bon paiement que tu as fait,
De peur de le mettre dans l’embarras,
Et de l’exposer à un grand blâme.
Toutefois bon comptes il doit tenir
De tous les biens qu’il aura acquis,
Des dépenses que tu auras fait sur le bien de tes compagnons,
Du lieu, des circonstances et de l’usage;
De tels comptes tu dois rendre,
Lorsque tes compagnons te les demandent.

Le dixième point montre la bien bonne vie,
Comment vivre sans souci ni dispute;
Si le maçon mène une vie mauvaise,
Et dans son travail il est malhonnête,
Et se cherche une mauvaise excuse
Il pourra diffamer ses compagnons injustement,
Par de telles calomnies infâmes
Attirer le blâme sur le métier.
S’il déshonore ainsi le métier,
Vous ne devez alors lui faire aucune faveur,
Ni le maintenir dans sa mauvaise vie,
De peur que cela ne tourne en tracas et conflit;
Mais ne lui laissez aucun sursis,
Jusqu’à ce que vous l’ayez contraint,
A comparaître où bon vous semble,
Où vous voudrez, de gré ou de force,
A la prochaine assemblée vous le convoquerez,
A comparaître devant tout ses compagnons,
Et s’il refuse de paraître devant eux,
Il lui faudrait renoncer au métier;
Il sera alors puni selon la loi
Qui fut établie dans les temps anciens.

Le onzième point est de bonne discrétion,
Comme vous pouvez le comprendre par bonne raison;
Un maçon qui connaît bien son métier,
Qui voit son compagnon tailler une pierre,
Et qu’il est sur le point d’abîmer cette pierre,
Reprends-la aussitôt si tu le peux,
Et montre-lui comment la corriger,
Pour que l’ oeuvre du seigneur ne soit pas abîmé,
Et montre-lui avec douceur comment la corriger,
Avec de bonnes paroles, que Dieu te prête;
Pour l’amour de celui que siège là-haut,
Avec de douces paroles nourris son amitié.

Le douzième point est d’une grande autorité,
Là où l’assemblée se teindra,
Il y aura des maîtres et des compagnons aussi,
Et d’autres grands seigneurs en grand nombre;
Il y aura le shérif de cette contrée,
Et aussi le maire de cette cité,
Il y aura des chevaliers et des écuyers,
Et aussi des échevins, comme vous le verrez;
Toutes les ordonnances qu’ils prendrons là,
Ils s’accorderont pour les faire respecter,
Contre tout homme, quel qu’il soit,
Qui appartient au métier beau et libre.
S’il fait quelque querelle contre eux,
Il sera arrêté et tenu sous garde.

Le treizième point requiert toute notre volonté,
Il jurera de ne jamais voler,
Ni d’aider celui dans cette mauvaise profession,
Pour aucune part de son butin,
Et tu dois le savoir ou alors pécher,
Ni pour son bien, ni pour sa famille.

Le quatorzième point est excellente loi
Pour celui qui sera sous la crainte;
Un bon et vrai serment il doit prêter là,
A son maître et ses compagnons qui sont là;
Il doit être constant et fidèle aussi
A toutes ces ordonnances, où qu’il aille,
Et a son seigneur lige le roi,
De lui être fidèle par-dessus tout.
Et tous ces points ci-dessus
A eux tu dois être assermenté,
Et tous prêteront le même serment
Des maçons, de gré ou de force.
A tous ces points ci-dessus,
Ainsi que l’a établie une excellente tradition.
Et ils enquêteront sur chaque homme
S’il les met en pratique de son mieux,
Si un homme est reconnu coupable
Sur l’un de ces points en particulier;
Qu’on le recherche, quel qu’il soit,
Et qu’il soit amené devant l’assemblée.

Le quinzième point est excellente tradition,
Pour ceux qui auront là prêté serment,
Cette ordonnance qui fut arrêtée par l’assemblée
De grands seigneurs et maîtres dont on a parlé;
Pour ceux qui soient désobéissants, je sais,
A la présente constitution,
De ces articles qui y furent édictés,
Par de grands seigneurs et maçons ensemble,
Et si leurs fautes sont mises au jour
Devant cette assemblée, tantôt,
Et s’ils ne veulent pas s’en corriger,
Alors ils doivent abandonner le métier;
Et jurer de ne plus jamais l’exercer.
Sauf s’ils acceptent de s’amender,
Ils n’auront plus jamais part au métier;
Et s’ils refusaient de faire ainsi,
Le shérif se saisira d’eux sans délai,
Et les mettra dans un profond cachot,
A cause de leur transgression,
Il confisquera leurs biens et leur bétail
Au profit du roi, en totalité,
Et les y laissera aussi longtemps,
Qu’il plaira à notre lige le roi.
L’art des quatre couronnés.
Prions maintenant Dieu tout-puissant,
Et sa mère Marie radieuse,
Afin que nous puissions garder ces articles,
Et les points tous ensembles,
Comme le firent ces quatre saints martyres,
Qui dans ce métier furent tenus en grand honneur,
Ils étaient aussi bons maçons qu’on puisse trouver sur la terre,
Sculpteurs et imagiers ils étaient aussi,
Car c’étaient des ouvriers d’élite,
L’empereur les tenait en grande estime;
Il désira qu’ils fassent une statue
Qu’on vénérera en son honneur;
En son temps il possédait de tels monuments,
Pour détourner le peuple de la loi du Christ.
Mais eux demeuraient ferme dans la loi du Christ,
Et dans leur métier sans compromis;
Ils aimaient bien Dieu et tout son enseignement,
Et s’étaient voués à son service pour toujours.
En ce temps là ils furent des hommes de vérité,
Et vécurent droitement dans la loi de Dieu;
Ils n’entendaient pas de fabriquer des idoles,
Quelque bénéfices qu’ils puissent en retirer,
Ni prendre cette idole pour leur Dieu,
Ils refusèrent de le faire, malgré sa colère;
Car ils ne voulaient pas renier leur vraie foi,
Et croire à sa fausse loi,
L’empereur les fit arrêter sans délai,
Et les mit dans un profond cachot;
Plus cruellement il les y punissait,
Plus ils se réjouissaient dans la grâce de Dieu,
Alors quand il vit qu’il ne pouvait plus rien,
Il les laissait alors aller à la mort;
Celui qui voudra, trouvera dans le livre
De la légende des saints,
Les noms des quatre couronnés.
Leur fête est bien connue, Le huitième jour après la Toussaint.
Ecoutez ce que j’ai lu,
Que beaucoup d’années après, à grand effroi
Le déluge de Noé eut déferlé,
La tour de Babel fut commencée,
Le plus gros ouvrage de chaux et de pierre,
Que jamais homme ait pu voir;
Si long et si large on l’entreprit,
Que sa hauteur jeta sept miles d’ombre,
Le Roi Nabuchodonosor le fit construire
Aussi puissant pour la défense des hommes,
Que si un tel déluge surviendrait,
Il ne pourrait submerger l’ouvrage;
Parce qu’ils avaient un orgueil si fier, avec grande vantardise
Tout ce travail fut ainsi perdu;
Un ange les frappa en diversifiant leurs langues,
Si bien qu’ils ne se comprenaient plus jamais
l’un l’autre.
Bien des années plus tard, le bon clerc Euclide
Enseigna le métier de géométrie partout autour,
Et il fit en ce temps-là aussi,
Divers métiers en grand nombre.
Par la haute grâce du Christ au ciel,
Il fonda les sept sciences;
Grammaire est la première, je le sais,
Dialectique la seconde, je m’en félicite,
Rhétorique la troisième sans conteste,
Musique la quatrième, je vous le dis,
Astronomie est la cinquième, par ma barbe,
Arithmétique la sixième, sans aucun doute,
Géométrie la septième, clôt la liste,
Car elle est humble et courtoise,
En vérité, la grammaire est la racine,
Chacun l’apprend par le livre;
Mais l’art dépasse ce niveau,
Comme le fruit de l’arbre vaut plus que la racine;
La Rhétorique mesure un langage soigné,
Et la Musique est un chant suave;
L’Astronomie dénombre, mon cher frère,
L’Arithmétique montre qu’une chose est égale à une autre,
La Géométrie est la septième science,
Qui distingue le vrai du faux, je sais
Que ce sont les sept sciences,
Celui qui s’en sert bien peut gagner le ciel.
Maintenant mes chers enfants, ayez bon esprit
Pour laisser de côté orgueil et convoitise,
Et appliquez vous à bien juger,
Et à bien vous conduire, où que vous allez.
Maintenant je vous prie d’être bien attentifs,
Car ceci vous devez savoir,
Mais vous devez en savoir bien plus encore,
Que ce que vous trouvez écrit ici.
Si l’intelligence te fait défaut pour cela,
Prie Dieu de te l’envoyer;
Car le Christ lui-même nous l’enseigne
Que la sainte église est la maison de Dieu,
Elle n’est faite pour rien d’autre
Que pour y prier, comme nous le dit l’Ecriture,
Là le peuple doit se rassembler,
Pour prier et pour pleurer leurs péchés.
Veille à ne pas arriver à l’église en retard,
Pour avoir tenu des propos paillards à la porte;
Alors quand tu es en route vers l’église,
Aie bien en tête à tout instant
De vénérer ton seigneur Dieu jour et nuit,
De tout ton esprit et de toute ta force.
En arrivant à la porte de l’église
Tu prendras un peu de cette eau bénite,
Car chaque goutte que tu toucheras,
Effacera un péché véniel, sois-en sûr.
Mais d’abord tu dois ôter ton capuchon,
Pour l’amour de celui qui est mort sur la croix.
Quand tu entreras dans l’église,
Elève ton cœur vers le Christ, aussitôt;
Lève alors les yeux vers la crois,
Et agenouille toi bien à deux genoux,
Puis prie-le alors de t’aider à oeuvrer,
Selon la loi de la sainte église,
A garder les dix commandements,
Que Dieu donna à tous les hommes;
Et prie-le d’une voix douce
De te garder des sept péchés,
Afin que tu puisse ici, dans cette vie,
Te garder loin des soucis et des querelles;
Et que de plus il t’accorde la grâce,
Pour trouver une place dans la béatitude du ciel.
Dans la sainte église abandonne les paroles frivoles
De langage lascive et plaisanteries obscènes,
Et mets de côté toute vanité,
Et dis ton pater noster et ton ave;
Veille aussi à ne pas faire de bruit,
Mais sois toujours dans tes prières;
Si tu ne veux pas prier toi-même,
Ne gêne aucun autre en aucune manière.
En ce lieu ne te tiens ni assis ni debout,
Mais agenouille toi bien sur le sol,
Et quand je lirai l’Evangile,
Lève toi bien droit sans t’appuyer au mur,
Et signe-toi si tu sais le faire,
Quand on étonne le gloria tibi;
Et quand l’évangile est fini,
A nouveau tu peux t’agenouiller,
Sur tes deux genoux tu tomberas,
Pour l’amour de celui qui nous a tous rachetés;
Et quand tu entends sonner la cloche
Qui annonce le saint sacrement,
Vous devez vous agenouiller tous jeunes et vieux,
Et lever vos deux mains au ciel,
Pour dire alors dans cette attitude,
A voix basse et sans faire de bruit;
“Seigneur Jésus sois le bienvenu,
En forme de pain comme je te vois,
Désormais Jésus par ton saint nom,
Protège-moi du péché et de la honte;
Accorde-moi l’absolution et la communion,
Avant que je m’en aille d’ici,
Et sincère repentir de mes péchés,
Afin, Seigneur, que je ne meure jamais dans cet état;
Et toi qui est né d’une vierge,
Ne souffre pas que je sois jamais perdu;
Mais quand je m’en irai de ce monde,
Accorde-moi la béatitude sans fin;
Amen! Amen! Ainsi soit-il!
A présent douce dame priez pour moi.”
Voici ce que tu dois dire, ou une chose semblable,
Quand tu t’agenouille devant le sacrement.
Si tu cherches ton bien, n’épargne rien
Pour vénérer celui qui a tout crée;
Car c’est pour un homme un jour de joie,
Qui une fois ce jour-là a pu le voir;
C’est une chose si précieuse, en vérité,
Que nul ne peut en dire le prix;
Mais cette vision fait tant de bien,
Comme Saint Augustin le dit très justement,
Ce jour où tu vois le corps de Dieu,
Tu possédera ces choses en toute sécurité:-
A manger et à boire à suffisance,
Rien ce jour-là ne te manquera;
Les jurons et vaines paroles,
Dieu te les pardonnera aussi;
La mort subite ce même jour
Tu n’as nullement à la craindre;
Et aussi ce jour-là, je te le promets,
Tu ne perdras pas la vue;
Et chaque pas que tu fais alors,
Pour voir cette sainte vision,
Sera compté en ta faveur,
Quand tu en auras grand besoin;
Ce messager qu’est l’ange Gabriel,
Les conservera exactement.
Après cela je peux passer maintenant,
A parler à d’autres bienfaits de la messe;
Viens donc à l’église, si tu peux,
Et entends la messe chaque jour;
Si tu ne peux pas venir à l’église,
Où que tu travailles,
Quand tu entends sonner la messe,
Prie Dieu dans le silence de ton coeur,
De te donner part à ce service,
Que l’on célèbre dans l’église,
Je vous enseignerai de plus,
Et à vos compagnons, apprenez ceci,
Quand tu te présenteras devant un seigneur,
Dans un manoir, un bosquet, ou à table,
Capuchon ou bonnet tu dois ôter,
Avant d’être près de lui;
Deux ou trois fois, sans nul doute,
Devant ce seigneur tu dois t’incliner;
Tu fléchiras le genou droit,
Tu auras ainsi l’honneur sauf.
Ne remets pas ton bonnet ou capuchon,
Jusqu’à ce que tu en auras la permission.
Tout le temps que tu parleras avec lui,
Tiens le menton haut avec franchise et amabilité;
Ainsi, comme le livre te l’enseigne,
Regardes-le en face avec amabilité.
Tes pieds et mains tiens les tranquilles,
Sans te gratter ni trébucher, sois habile;
Evite aussi de cracher et de te moucher,
Attends pour cela d’être seul,
Et si tu veux être sage et discret,
Tu as grand besoin de bien te contrôler.
Lorsque tu entres dans la salle,
Parmi les gens bien nés, bons et courtois,
Ne présume pas trop de grandeur pour rien,
Ni de ta naissance, ni de ton savoir,
Ne t’assied pas et ne t’appuie pas,
C’est le signe d’une éducation bonne et propre.
Ne te laisse donc pas aller dans ta conduite,
En vérité la bonne éducation sauvera ta situation.
Père et mère, quels qu’ils soient,
Digne est l’enfant qui agit dignement,
En salle, en chambre, où que tu ailles;
Les bonnes manières font l’homme.
Fait attention au rang de ton prochain,
Pour leur rendre la révérence qui convient;
Evite de les saluer tous à la fois,
Sauf si tu les connais.
Quand tu es assis à table,
Mange avec grâce et bienséance;
Veille d’abord que tes mains soient propres,
Et que ton couteau soit tranchant et bien aiguisé,
Et ne coupe ton pain pour la viande,
Qu’autant que tu en mangeras,
Si tu es assis a côté d’un homme de rang supérieur, Au tien.
Laisse le se servir d’abord de la viande,
Avant d’y toucher toi-même.
Ne pique pas le meilleur morceau,
Même s’il te fait grande envie;
Garde tes mains nettes et propres,
Pour ne pas souiller ta serviette;
Ne t’en sers pas pour te moucher,
Et ne te cure pas les dents à table;
Ne plonge pas trop tes lèvres dans la coupe,
Même si tu as grande envie de boire,
Cela te ferait larmoyer.
Ce qui serait alors discourtois.
Veille à ne pas avoir la bouche pleine,
Quand tu te mets à boire ou à parler.
Si tu vois un homme qui boit,
Tout en écoutant tes propos,
Interromps aussitôt ton histoire,
Qu’il boive du vin ou de la bière,
Veille aussi à n’offenser aucun homme,
Si bien parti que tu le voies;
Et ne médis de personne,
Si tu veux sauver ton honneur;
Car de tels mots pourraient t’échapper,
Qui te mettraient dans une situation gênante.
Retiens ta main dans ton poing,
Pour ne pas avoir à dire “si j’avais su”,
Dans un salon parmi de belles dames,
Tiens ta langue et sois tout yeux;
Ne ris pas aux grands éclats,
Ne chahute pas comme un ribaud.
Ne badine qu’avec tes pairs,
Et ne répète pas tous ce que tu entends;
Ne proclame pas tes propres actions;
Par plaisanterie ou par intérêt;
Par de beaux discours tu peux réaliser tes désirs,
Mais tu peux par là aussi te perdre.
Quand tu rencontres un homme de valeur,
Tu ne dois pas garder bonnet et capuchon;
A l’église, au marché, ou au portail,
Salue le selon son rang.
Si tu marches avec un homme d’un rang
Supérieur au tien,
Reste en retrait de lui d’une épaule,
Car cela est bonne éducation sans défaut;
Lorsqu’il parle, tiens-toi tranquille,
Quand il a fini, dis ce que tu veux,
Dans tes paroles sois discret,
Et à ce que tu dis fais bien attention;
Mais n’interrompe pas son histoire,
Qu’il en soit au vin ou à la bière.
Que le Christ alors par sa grâce céleste,
Vous donne et l’esprit et le temps,
Pour bien comprendre et lire ce livre,
Afin d’obtenir le ciel en récompense.

Amen! Amen! Ainsi soit-il!
Disons nous tous par charité.